Le concept de personnalité : Article 2/5

Vers une unité ?

L’objectif de l’étude de la personnalité est la recherche d’invariants personnels, « c’est à dire les sources d’unités et de diversité : relativement stables, communes à plusieurs conduites1. La nature des invariants retenus dépendra des écoles psychologiques, des conceptions ainsi que des méthodes et des types de mesures utilisés.

Les domaines retenus

Classiquement, plusieurs domaines de la vie psychique étaient séparés dans la recherche des invariants personnels, bien que certaines objections (réalistes ou ontologiques) dans une perspective holistique conteste une possible distinction.

HUTEAU classe les invariants fonctionnels dans deux groupes :

  • d’une part, les invariants affectivo-motivationnels représentés par les pulsions trouvant leurs origines dans la vie organique, et les buts plus généraux :
  • d’autre part, les propriétés cognitives.

Cette distinction se retrouve dans les orientations de recherche des différentes écoles psychologiques.

LA PSYCHOLOGIE DYNAMIQUE

Le premier ensemble découle des théories classiques et concerne les intérêts, les valeurs, les buts (et les anti-buts dont la place apparaît comme essentielle dans les plans de vie) auxquels on ajoute des états subjectifs (sentiments, émotions et affects). L’interrogation porte sur le POURQUOI de nos agissements et l’on parle dans ce contexte de motifs, de mobiles, d’impulsions, de tendances et de besoins3. Le concept d’énergie quelle qu’en soit l’origine, la notion d’association et de valence, et l’émotion sont invoquées à titre d’explications de la conduite.

On peut repérer deux grands mouvements à l’intérieur de l’approche dynamique :

  • L’un privilégie les variables internes et inconscientes ou en dehors du contrôle de la personne comme source de cohérence individuelle. Ce sont les conceptions d’inspiration psychanalytique.
  • L’autre tout en conservant une place centrale à la motivation, récuse 3 idées étroitement solidaires dans le schéma freudien, relatives aux sources biologiques des aspects conatifs, au rôle prépondérant de l’inconscient, et au déterminisme extérieur au MOI (pulsions ou stimulations), et se présente comme une alternative entre la psychanalyse ou le béhaviorisme. Il s’agit du courant phénoménologique-humaniste.

LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE

L’autre domaine, issu de la psychologie expérimentale, recherche l’explication des comportements dans l’analyse des mécanismes mis en œuvre lors de l’activité de l’individu. Qu’il s’agisse de comprendre l’individu dans sa spécificité ou d’établir des lois générales du fonctionnement cognitif, le psychologue guette la façon dont le sujet sélectionne, utilise, traite, restitue l ‘information. Les objets sont les moyens de connaissances et les connaissances elles-mêmes, les opérations mentales et leurs produits.

Ces invariants cognitifs n’ont pas tous le même statut. On distingue :

  • les invariants-modalités de traitements ou invariants-processus (efficience ou préférences d’une opération mentale),
  • les invariants-représentations qui concernent soit le contenu, soit la structure des représentations mentales,
  • les invariants-motivationnels cognitifs (représentations des buts, de l’action, besoins d’informations plus ou moins prononcés).

Les études expérimentales sur les processus cognitifs, prenant en considération la variabilité interindividuelle et la cohérence intersituationnelle, ont donné des théories à champ plus étroit.

La croisée des chemins

Le développement de L’EGO-PSYCHOLOGY1 a cependant permis un infléchissement vers la cognition des conceptions dynamiques. La PSYCHOLOGIE PSYCHANALYTIQUE DU MOI postule en effet une autonomie primaire du MOI, dont les origines seraient innées. Cette théorisation porta l’accent sur les propriétés moïques et introduisit la méthode expérimentale dans l’analyse des dimensions dégagées.

Parallèlement, les phénoménologistes, en accordant une importance croissante aux états de conscience et aux idéaux, ont contribué à la « cognitivisation des théories dynamiques. »1

Réciproquement, la psychologie cognitive, qui a l’origine se développait pour son propre compte, a intégré la perspective différentielle aux modèles primitivement et résolument locaux, relatifs au traitement de l’information. La conséquence fut une mise en relations des processus cognitifs avec des nombreuses autres variables, dont celles relatives aux conduites socio-affectives. Le champ d’application des théories s’est peu à peu étendu, les modèles ont constitué des noyaux de conceptions de moins en moins locaux de la personnalité. HUTEAU1 parle de « personnalisation des théories cognitives. »

Cette convergence des deux grandes lignes d’évolution ne semble cependant pas parvenir à une réelle coordination des points de vue, et l’on note encore des divergences difficilement contournables dans le choix des domaines étudiés et des méthodes employées.


Propriétés du concept de personnalité

MONTMOLLIN, après avoir effectué une analyse thématique de la personnalité à partir des différentes théories, retiendra cinq propriétés communes aux diverses approches :

  • La totalité, propriété par laquelle le comportement le plus ponctuel ne peut s’analyser que subordonné aux lois régissant le système en tant que tel. Il ne peut y avoir d’actions d’une partie sans relation avec le tout. C’est cette propriété qui distingue la personnalité-structure du simple agrégat.
  • La stabilité, par laquelle perdure une certaine unité, une identité au-delà des situations successives.
  • La synchronie, qui caractérise le fonctionnement articulé des différents éléments de la totalité. La disparition de cette propriété conduit à des comportements pathologiques.
  • La dernière notion est celle d’individualité, essentielle à la notion de personnalité. En effet, sans les processus d’individuation, il n’y aurait pas d’altérité et la psychologie de la personnalité, plus de raisons d’être.
  • Ajoutons à ces propriétés l’idée de construction théorique qui vise à la prédiction du comportement, entité globalisante qui tente d’intégrer la masse et dont l’individualité ne serait qu’une modulation. Nous ne souscrirons que partiellement à ce dernier point, qui semble renvoyer à une conception d’un modèle unitaire de la personnalité, point de vue qui sera discuté.

1 HUTEAU M., "Les conceptions cognitives de la personnalité", PUF, psychologie d'aujourd'hui, 1985.

2 REUCHLIN M., "Psychologie", PUF, Fondamental, 5e éd. revue et corrigée, 1984

3 NUTTIN J., « La structure de la personnalité »l, PUF, Le psychologue, 1985.

À SUIVRE BIENTÔT : LES DÉTERMINANTS DE L’ACTIVITÉ PSYCHOLOGIQUE

Portrait de Fred

Patience… mais aussi :

ARTICLES À SUIVRE SUR LE CONCEPT DE PERSONNALITÉ :

Un 3ème article traitera des déterminants du fonctionnement psychologique en abordant respectivement les versants affectifs et cognitifs de la personnalité. Nous entendons par déterminants fonctionnels, ce qui fait que des conduites sont engagées et l’activité orientée, considérant qu’il ne peut y avoir de compréhension de l’individu que par la prise en compte simultanée de l’ordre productif ou causale et celui des finalités de la conduite.

L’étude de la cohérence de la personnalité appelle l’analyse des organisations comportementales, Nous centrerons donc un 4ème article sur une revue des structures psychologiques qui, sans toujours être des structures de la personnalité, peuvent néanmoins apporter une explication, toujours partielle, de l’unité psychologique.

La construction de la personnalité renvoie aux processus d’individuation, responsables des aspects différentiels. L’accent sera donc mis, dans un 5ème article, sur les sources de la spécificité individuelle, articulant les conceptions génétiques et différentielles de la psychologie.

Un dernier article sera le résultat de notre propre compréhension du fonctionnement psychologique. La modélisation, hypothético-déductive, constitue, selon nous une explication sous forme d’une modularité complexe de la personnalité rendant compte d’adaptations plus locales que globales. Nous en viendront probablement à soutenir une notion de structure de personnalité plus labile et évolutive que peut-être celle que l’on peut voir circuler communément comme un agrégat qui se rigidifie au gré des expériences qui sédimentent des schémas comportementaux et émotionnels.

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