Petite chronologie des définitions de l’hypnose

« L’hypnose ne produit pas un état stable, mais un état qui fluctue continuellement, qui varie d’un sujet à l’autre et, pour un même sujet, d’une expérience à l’autre »

Léon Chertok 

Axone Thérapies - Les thérapies neuro-intégratives. Caen - Mondeville

Définir l'hypnose : un exercice de style

Voici quelques définitions de l’hypnose qui soulignent tantôt l’état subjectif, tantôt les phénomènes objectifs, ou bien la relation (a-)symétrique entre l’hypnotiseur et le sujet…

Car l’hypnose est une relation à soi et/ou à l’autre, qui offre autant de richesse et de diversité qu’il n’y a de protagonistes. Loin du consensus, entre les conceptions qui soulignent un changement d’état de conscience, ou bien une orientation différente de l’attention entre une conception naturelle, voire naturaliste et une vision d’un état induit et artificiel, entre le lien de subordination et celui de partenariat, entre phénomènes physiologiques et phénoménologie, comment s’y retrouver ? Rappelons le numéro de duettistes de Richard Bandler et John Grinder, grands modélisateurs de l’hypnose éricksonienne :
“Croyez moi, TOUT est hypnose !”
“Pas du tout, l’hypnose ça n’existe pas !”
Ces géniaux plaisantins savaient qu’ils avaient tous deux raison : Sous une même nominalisation “hypnose” se cachent des significations et des phénomènes différents suivants les auteurs et les époques. A chacun de nous d’en faire sa propre conceptualisation selon ce que notre talent, notre pratique et nos croyances nous permettent d’atteindre et d’en jouer.

L'hypnose ou le chemin vers notre univers intérieur

« L’être humain est à la fois un et multiple. Tel le point d’un hologramme, il porte le cosmos en lui.

Nous devons voir aussi que tout être, même le plus enfermé dans la plus banale des vies, constitue en lui-même un cosmos.

Il porte en lui ses multiplicités intérieures, ses personnalités virtuelles, une infinité de personnages chimériques, une poly-existence dans le réel et l’imaginaire, le sommeil et la veille, l’obéissance et la transgression, l’ostensible et le secret, des grouillements larvaires dans ses cavernes et des gouffres insondables.

Chacun contient en lui des galaxies de rêves et de fantasmes, des élans inassouvis de désirs et d’amours, des abîmes de malheur, des immensités d’indifférence glacée, des embrasements d’astre en feu, des déferlements de haine, des égarements débiles, des éclairs de lucidité, de orages déments… »
Edgar MORIN
Edgar MORIN
2000

L'hypnose existe-t-elle?

Les composantes de l'hypnose

Il est crucial de définir un phénomène pour orienter notre observation, en faciliter l’analyse, progresser dans sa compréhension et améliorer sa mise en pratique.

L’hypnose n’est pas une entité concrète en soi : elle représente simplement un terme qui caractérise, dans la culture occidentale contemporaine, un état spécifique de transe et ses applications. Toute définition de l’hypnose est ainsi une construction visant moins à capturer sa réalité intrinsèque qu’à refléter notre capacité à l’appréhender à travers nos filtres socioculturels.

Selon les différents auteurs et leurs perspectives analytiques, les définitions de l’hypnose peuvent mettre l’accent sur des aspects variés. Toutefois, elles incluent généralement des éléments fondamentaux tels que la transe, la suggestion, le contexte, la relation, l’imaginaire et le corps.

La signification de ces concepts clés varie selon les approches des auteurs. Par exemple, pour certains, la transe représente principalement un état de conscience, tandis que pour d’autres, elle implique plutôt une dynamique de perceptionMalgré ces différences, tous reconnaissent son rôle central dans l’hypnose. De même, la conception de la relation diverge selon les points de vue : pour certains, elle évoque essentiellement une dynamique intersubjective, tandis que pour d’autres, elle se réfère davantage à une question de communication. Cependant, tous s’accordent sur le fait qu’elle implique une certaine forme d’influence.

En parlant d’influence, quelle est sa place dans ce contexte ? Étant donné que l’hypnose se déploie dans une relation entre au moins deux individus, elle implique inévitablement une dynamique influentielle.

Ainsi, l’hypnose se présente comme un phénomène complexe où des éléments interagissent, se superposent et se modulent sous l’influence de multiples facteurs, soulignant ainsi l’importance d’une approche intégrative pour saisir toute sa richesse et sa complexité.

L'hypnose définie par ceux qui la pratiquent

1886 – Hippolyte BERNHEIM : « La seule chose certaine, c’est qu’il existe chez les sujets hypnotisés ou impressionnables à la suggestion une aptitude particulière à transformer l’idée reçue en acte. »

1955 – British Medical Association : « Un état passager d’attention modifiée chez le sujet, état qui peut être produit par une autre personne et dans lequel divers phénomènes peuvent apparaître spontanément, ou en réponse à des stimuli verbaux ou autres. Ces phénomènes comprennent un changement dans la conscience et la mémoire, une susceptibilité accrue à la suggestion et l’apparition chez le sujet de réponses et d’idées qui ne lui sont pas familières dans son état d’esprit habituel. En outre, des phénomènes comme l’anesthésie, la paralysie, la rigidité musculaire et des modifications vasomotrices, peuvent être dans l’état hypnotique produits et supprimés. »

1979 – Léon CHERTOK : « L’état hypnotique apparaît donc comme un état de conscience modifié, à la faveur duquel l’opérateur peut provoquer des distorsions au niveau de la volition, de la mémoire et des perceptions sensorielles – en l’occurrence dans le traitement des informations algogènes (de la douleur). »

1980 – Milton ERICKSON : « Un état de conscience dans lequel vous présentez à votre sujet une communication, avec une compréhension et des idées, pour lui permettre d’utiliser cette compréhension et ces idées à l’intérieur de son propre répertoire d’apprentissages. »

1980 – Octave MANONNI : « Le transfert n’est pas facile à définir, disons, en gros, que c’est la mobilisation de l’inconscient en relation avec l’analyste. Il est prudent de ne pas chercher trop de précisions, car le transfert est vraiment le non-théorisable de l’analyse.

En tout cas, le transfert est ce qui nous reste de la possession, et on l’obtient par une série de soustractions. On élimine le diable, restent les convulsionnaires. On élimine les reliques, restent les « magnétisés » de Mesmer. On élimine le baquet, on a l’hypnose et le “rapport”. On élimine l’hypnose, il reste : le transfert »

1982 – L’Encyclopédie médicale de Russie : « État artificiel particulier de l’homme, produit par la suggestion, qui se distingue par une sélectivité particulière des réactions et se manifeste par une augmentation de la réceptivité à l’action psychologique de l’hypnotiseur et la diminution de la sensibilité aux autres influences. »

1982 – Daniel ARAOZ : « Un état dans lequel les facettes mentales critiques sont temporairement suspendues, et où la personne utilise principalement l’imagination ou les processus de pensées primaires. Le niveau d’hypnose, sa “profondeur”, dépend du degré d’implication imaginaire. »

1988 – André WEITZENHOFFER : « Précisons que les états de transe seraient un sous-groupe des EMC ; les états hypnotiques étant eux-mêmes un sous-groupe des états de transe. »

1988 – LAURENCE & PERRY : « L’hypnose, comme Bernheim l’a dit, n’existe pas. Ce qui existe, c’est l’interaction entre un contexte donné et l’aptitude du sujet à ce contexte. »

1990 – François ROUSTANG : « La pratique de l’hypnose fait violence dans la mesure où elle tend à obtenir un effet immédiat voulu par le thérapeute sans tenir compte de la situation multiforme particulière du patient. Elle est une sorte de court-circuit. Il faut donc se plaindre non de l’hypnose, mais de la manière impatiente dont on s’en est servie, vraisemblablement mâtinée du souci de jouer au tout puissant. »

1991 – Jean GODIN : « C’est un mode de fonctionnement psychologique dans lequel un sujet, grâce à l’intervention d’une autre personne, parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation avec l’accompagnateur. Ce “débranchement de la réaction d’orientation à la réalité extérieure”, qui suppose un certain lâcher-prise, équivaut à une façon originale de fonctionner à laquelle on se réfère comme à un état. Ce mode de fonctionnement particulier fait apparaître des possibilités nouvelles : par exemple des possibilités supplémentaires d’action de l’esprit sur le corps, ou de travail psychologique à un niveau inconscient. »

1992 – Mickael YAPKO : « L’hypnose est un processus de communication d’influence au sein duquel le clinicien fait surgir et guide les associations intérieures de son client afin d’établir ou de renforcer des associations thérapeutiques dans le contexte d’une relation de collaboration et d’échanges mutuels centrée sur
un objectif. »

1996 – Michel KÉROUAC : « Un état et/ou un processus de conscience modifiée, produit par une induction directe, indirecte ou contextuelle, ressemblant parfois au sommeil, mais physiologiquement distinct, caractérisé par une élévation de la suggestibilité et qui produit à son tour certains phénomènes sensoriels et perceptuels. Cet état, que certains auteurs appellent “la transe”, est un état naturel que l’on peut vivre tous les jours : lorsqu’on rêve éveillé, lorsqu’on regarde un feu attentivement, lorsqu’on perd temporairement la notion du temps au volant d’une voiture ou, tout simplement, lorsqu’on est “dans la lune”. »

1999 – L’Encyclopaedia Britannica : « Un état psychologique spécial avec certains attributs physiologiques, ressemblant superficiellement au sommeil et indiqué par un fonctionnement de l’individu à un niveau de conscience autre que l’état conscient ordinaire. Cet état se caractérise par un degré de réceptivité et de réponse accrus dans lequel il est donné autant de signification aux perceptions empiriques intérieures qu’il en est généralement donné à la seule réalité externe. »

2001 – Olivier LOCKERT : « …un État Modifié de Conscience (EMC) naturel, connu depuis que l’être humain existe ; la “conscience” (ou le “conscient”) dont il est question est fait de la perception ordinaire que nous avons du monde, selon nos 5 sens. Les techniques utilisées pour atteindre cet état spécifique de conscience sont multiples et choisies en fonction de l’objectif global à atteindre. »

2010 – A. BIOY, C. WOOD, I. CÉLESTIN-LHOPITEAU : « Mode de fonctionnement psychologique par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargi. Cette définition implique que la pratique de l’hypnose recouvre deux dimensions : à la fois un état de conscience modifiée que l’on nomme état hypnotique mais aussi une relation singulière. L’état hypnotique a été caractérisé à la fois par les neurosciences (imagerie cérébrale) et par la psychologie (théorie de la dissociation psychique). » Cf : “L’aide mémoire d’hypnose”, Dunod, 2010

2014 – American Psychological Association : « un état de conscience incluant une focalisation de l’attention ainsi qu’une attention périphérique diminuée, caractérisée par une capacité accrue à répondre à la suggestion » (Elkins et alii)

2017 – Alain PARRA : L’hypnose est donc : « un engagement du sujet dans une orientation particulière de l’attention centrée conjointement sur sa sensorialité et son imagination » (Thèse Doctorale de Psychologie Cognitive : “Hypnose, Attention et Imagination”)

Hypnose ericksonienne

Hypnose ericksonienne, directivité ou non-directivité et suggestibilité

Notons le point de vue intéressant et moderne du Dr Dominique MEGGLE, Médecin-psychiatre, (ancien directeur de l’Institut Milton H. Erickson Méditerranée,  également ancien président de la Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves) qui considère que l’hypnose est l’état dans lequel, a contrario, une personne serait la moins suggestible mais la plus attentive à ce qu’elle fait et ce qu’elle est.

Autrement dit, elle résistera beaucoup plus facilement à une suggestion non-écologique à l’intérieur de l’état de transe.

Au contraire, la dispersion d’attention, la distraction ou la saturation de notre attention nous rendent beaucoup plus perméable à la modification insidieuse de nos représentations et valeurs. Il nous met ainsi en garde contre l’effet que nous appellerons ironiquement “Radio-Infotox” : lorsque nous conduisons et que notre attention est saturée par mille choses à contrôler, tandis que notre autoradio scande en boucle les “informations en bref”. Nous sommes alors beaucoup plus “poreux” aux discours diffusés par notre chaîne d’informations favorite, nos filtres personnels sont en quelque sorte sous-fonctionnel et laissant pour l’occasion le drapeau de notre esprit critique en berne (A ne pas confondre avec la fameuse transe d’autoroute où nos pensées s’envolent, sans que nous voyons défiler les kilomètres).

D. MEGGLE parle clairement de l’importance de la nécessaire collaboration avec le sujet, et d’une hypnose directive qui n’a plus peur de donner la suggestion juste, directe et simple car pertinente et co-construite dans la relation avec le sujet comme il le souligne dans cet extrait d’article:

“La première découverte que j’ai faite à la lecture d’Erickson est qu’il n’était pas un éricksonien moderne. Le plus souvent, il ne faisait pas d’hypnose légère-moyenne, tout ce qui est décrit de nos jours comme hypnose éricksonienne, mais de l’hypnose profonde. Celle-ci occupe l’écrasante majorité de ses publications parce qu’elle occupait l’écrasante majorité de sa pratique. Il a introduit la brièveté en thérapie grâce aux transes profondes, parce que celles-ci provoquent un réaménagement inconscient rapide et durable.

Quand l’esprit inconscient peut fonctionner librement, sans interférence de l’esprit conscient – ce qui est la définition de l’hypnose profonde -, toute sa Créativité se déploie enfin, les Ressources qui y sont stockées s’expriment facilement, des Intuitions surviennent agréablement et le Changement se fait sans effort.
(…)
Une deuxième découverte que j’ai faite dans les vieilles cartes d’Erickson, c’est qu’il utilisait autant de suggestions directes qu’indirectes. Il ne se servait des indirectes que s’il rencontrait de la résistance. Celle-ci n’est pas une fatalité.

Beaucoup de patients coopèrent facilement dès qu’ils se sentent compris par leur thérapeute, ce qui permet à celui-ci d’être direct. Erickson ne compliquait pas inutilement sa pratique. Il cherchait la simplicité.

Trop souvent, les éricksoniens modernes sont indirects sans raison. En fait, ils ont peur de leur influence, peur d’être efficaces par trois mots qui sortiraient de leur bouche. Alors ils contorsionnent leur discours là où ce n’est pas la peine. Ils se cachent derrière des « peut-être que, vous pouvez peut-être, il est possible que ceci ou cela ou cela, je ne sais pas si ou si…”

Pour conclure : Le plus grand hypnotiseur de l'histoire

D’aucun me reprocherait de ne pas prendre position dans cette profusion de visions et de compréhensions de l’état hypnotique. Alors je me lance avec cette intelligence irrationnelle que tout thérapeute déploie en séance. Vous m’en voyez confus, mais vous constaterez que, pour le coup, je ne suis pas le seul.

Evidemment, il s’agit là d’un choix très personnel, mais restons humble devant le talent de celui qui est constamment en transe au point d’en oublier qu’il l’est :

JCVD et l'hypnose
Dors !... encore un peu... si si...

Toute ressemblance avec des propos réels présents, passés ou futurs, tenus par mon maître à penser, ne serait que le fruit d’une (bonne vieille mais en l’occurrence ) mauvaise foi de la part de votre serviteur.

Mais fidèle à mon mentor, je fais parfois le grand écart entre le sérieux du propos et un sérieux problème de sérieux pas toujours à-propos. Sérieux !… c’est du propre… oh? HMMm !?

Allez, je file nous cacher, ma honte et moi.

Belle journée à vous !

Vues : 185